mardi 4 août 2009

Je me dépense sans Contier


Bonjour,
Le jeu de mots est le salut de l'homme. Merci à Christian pour celui qu'il me fait parvenir. Effectivement, je me dépense sans Contier! Que j'explique tout de même, toujours depuis le piton de Champ Contier, que Christian est un journaliste chasseur: il a donc l'esprit en alerte vingt-cinq heures sur vingt-quatre, et, depuis sa base de Carnon, rien ne lui échappe de ce qui se passe sur la zone de l'arc méditerranéen qu'il couvre; celle qui va de Nîmes jusqu'au Perthus.
Me voici tout juste rentré, sans avoir compté mes pas dans la côte. Au fait, j'aimerais que l'un d'entre vous sorte de sa torpeur, s'il est en vacances, ou bien se distraie de sa tâche, s'il est en plein labeur, afin de me renseigner sur deux points: 1. je viens de parcourir 4,4 kilomètres en 1 heure et 2 minutes, j'aimerais donc connaître ma moyenne horaire; 2. sachant que je suis de petite taille, 1.64, à combien de centimètres peut-on évaluer chacun de mes pas dans une pente d'une moyenne de 15%, et par conséquent combien de pas ai-je bien pu accomplir ce matin.
Vous allez penser que l'oisiveté amollit mes capacités de calcul. Probablement. Cependant, en relisant Montaigne, Les Essais, Livre I, chapitre 8, De l'oisiveté, on comprend combien l'oisiveté apparemment stérile peut se révéler fertile. Dans la côte, je n'ai cessé de penser: à la fillette disparue dans la Durance, je sais maintenant qu'elle se prénomme Anissa; à ce refrain pondu l'autre jour (Gambettes nues, jupettes claires/Les filles thé vert boivent à la paille/Leur automne time, leurs quarante ans) auquel j'ai rajouté deux vers dans un virage (Et j'suis gourmand d'une de ces filles/La fille châtaigne aux tennis blancs). Comme on est: je venais de couper une touffe de serpolet, et le blanc tendre de ses fleurs... Les idées viennent en marchant. Je revendique la primauté de cette formule dans un article paru sous ce titre dans Le Monde en 1983. Je ne vous raconterai évidemment pas tout ce qui m'est passé par la tête, mais au panneau marquant une interdiction de rouler au-delà des trente kilomètres/heure, je me suis promis, je ne sais pas pourquoi, de vous envoyer une carte depuis Embrun où nous allons faire marché demain, et elle portera pour titre Embrun en blond. Vous êtes prévenus. Faire danser la langue: je crois que l'expression est de Nougaro. Le préféré de mes jeux de mots? Allo Platt!, titre d'un entretien dans L'Équipe avec Robert Platt, un entraîneur de l'équipe de France de canoë-kayak que j'avais eu au téléphone.
Michel m'avait conduit avant huit heures dans la vallée, au Lauzet. Il partait une nouvelle fois pour l'Argentière à cause du drame. Depuis le début du séjour chez M§M, nous n'avions pas ouvert la tévé. Mais en raison des événements... Michel m'a demandé quelques conseils pour affronter les medias, Michelle attend en ce moment son retour, elle hoche la tête au-dessus d'un journal sur la terrasse. Elle me demande pour la cuisson de la brioche. Chez M§M, c'est 5 étoiles! Je viens de poser le point sur l'écran et j'entends "Oh, le ciel, il est bleu..." Il l'était déjà dans ma montée de côte. En voyant l'univers diviser la vallée en deux nappes, l'une ombrée, l'autre ensoleillée, on comprenait mieux la nature des jolis mots que sont l'ubac" et l'adret. En écoutant les préoccupations de Michel au-dessus des toitures grises du Lauzet, je me suis souvenu du temps des urgences de crise médiatique, par exemple un samedi matin au ministère des Finances à Bercy, dans un grand bureau clair au-dessus de la Seine: un homme, indécis, et moi, payé pour ne pas l'être. D'autres eaux... Le ministre Hirsch parle de multiplier les contrôles des activités aquatiques. Lui, on peut dire qu'il raconte sans compter des salades: avec quels moyens, quand l'État réduit les effectifs dans les directions départementales de Jeunesse et Sports?
Huit heures avaient enfin sonné à l'église du village et je me préparais à monter. Le petit lac de moraine rassemblait ses eaux vertes reposant sur le dernier frisson maintenu depuis l'aube. Au bar, deux bonshommes se tapaient une bière blonde. Huit cents mètres après le pont romain sur l'Ubaye, c'était un chien noir et la courtoisie de ses propriétaires l'attachant à mon passage. Plus haut, c'étaient les premières tiges jaunes surgies des cailloux, les "cierges de Notre-Dame" postés au garde-à-vous. Encore plus haut, c'était des érables ne songeant pas encore à rougir, il sera temps en automne. Dans le dernier virage, c'était la voiturette de La Poste sous sa peau jaune maïs, alors que je pensais à Devos sur la scène du Théâtre de la Ville: "Mon pied gauche avance, mon pied droit le dépasse, mon pied gauche ne veut pas s'en laisser compter, il repasse devant, et moi, comme un imbécile, je marche!"




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