vendredi 14 août 2009

Vive la mariée



Chers toutes et tous,
Paris continue de sonner juste. Vendredi, le mariage de Pierre et Akiko n'a pas dérogé à ce sentiment d'août que tout exalte ces jours-ci: une halte amicale sur un banc du Luxembourg, un petit aller à Saint-Maur par l'autoroute de l'Est libre comme une artère saine, une conversation de bord de sable au mitan de la nuit des Tuileries en compagnie des statues de Maillol allongées et tournées vers les frises frêles des lumières du Louvre. Mais d'un et cetera j'évite de vous fatiguer avec le reste, et en viens au fait.
On ne saurait dire ce qui l'a emporté de cette journée d'union entamée sous les fresques lourdes de la mairie du 13ème, prolongée place Saint-Georges dans ce qui fut la maison d'Adolphe Thiers (le boucher haïssable de la Commune de 1871) désormais siège d'une fondation, et achevée dans un restaurant japonais, le Oto-Oto, de la petite rue du Sabot tracée de biais dans Saint-Germain-des-Prés.
Le tofu c'est fou, ai-je pensé sous les poutres de l'établissement, à l'heure où l'on déposait devant moi la dixième des délicatesses. Néanmoins, je songeai aussitôt aux cinq heures de conversation formidablement fébrile que j'avais eues dans le temps avec Ferran Adrià, m'oubliant au tout premier échange qu'il fût le meilleur cuisinier au monde pour ne voir devant moi qu'un homme électrisé par l'intelligence de la création, [j'ai écrit alors comme je crus parler avec un peintre], puis à son beau livre qu'il m'avait offert, et dont quelques images se superposaient aux plats qui se succédaient en ce vendredi parisien, matières comme éthérées, matières molles comme les montres daliniennes, couleurs pâlies et soulevées par les algues discrètes et sombres, ces soupiraux ouverts sur les vagues, que j'avais eues aussi dans le sanctuaire d'El Bulli. C'est dit: grâce au chef du Oto-Oto, je comprenais concrètement le pourquoi de quelques influences asiatiques dans l'univers du chef catalan.
Je m'éloigne et je ne m'éloigne pas du sujet. Je suis même en plein dedans, car au fond rien de mieux que "le gai savoir", cet apprendre en se réjouissant et en se recréant au contact de l'Autre, comme en cette journée multiplicatrice de rencontres, femmes, hommes et jeunes gens de Hukuoka comme de Saint-Galmier. Quand le Fujiyama embrasse les Monts du Forez...
Pierre est le premier violon du Quatuor Ébène dont je vous parle parfois, et si j'ai pris goût à faire chanter la langue en écrivant des chansons, [oui, je poursuis ma diète, donc oui je m'affaire à écrire La traversée du dessert], c'est aussi parce que les draps du lit des compositions de Pierre sont frais comme un matin de campagne et sa fébrilité partagée, énergie qui fait au coeur et à l'âme comme des aiguillettes andines quand on passe un col à 5000 mètres fraîchement essoufflé. Mais il faudrait ici que je songe à me taire, car si je me lance dans ce qui est au final l'une des variations de l'amour, on n'est pas près d'en sortir.
C'est dit aussi: le mariage entre Pierre et Akiko a été gai comme un bon champagne et comme s'il n'y avait pas assez de motifs de gaieté, voilà que dans la rue du Sabot, nous en étions alors au premier saké, arrivait, descendu de chez lui à trois portes, Ivri Gitlis en personne, 87 ans depuis le 2 août. Ce surgissement depuis le plus complet des hasards a mis en transe la volière des jeunes gens, et la mariée avait opportunément conservé une de ses larmes de la mairie, se rappelant, elle la brillante pianiste, avoir joué il y a peu avec ce violoniste de tous les âges, passionné. On le voyait fréquemment chez Chancel dans Le Grande échiquier, quant à son apparition dans L'Histoire d'Adèle H. de Truffaut, je me la garde... Gitlis joue encore. J'ai pensé au passage que tous ces jeunes gens ne savaient pas à quel point la musique classique lui est redevable pour sa diffusion dans notre pays.
Vous avez compris que quand on aime on ne compte pas. Et c'était le cas vendredi. Rien qu'à penser au sifflement raffiné, japonais en somme, que produit l'eau qui frissonne, j'ai pensé qu'il fallait apporter à Akiko et à Pierre la bouilloire oisillon bleu siffleur de Michaël Graves, et qu'il fallait aussi leur composer un petit compliment dans le soir germanopratin...
Sur ce je vous embrasse.

À Barcelone
Sûr qu’on dirait Pedro
À Saint-Étienne
Peut-êt’ ben qu’on dit Pierrot
Mais à Kyoto,
Comme à Paname,
On ne connaît qu’un’ dame,
Akiko,
A-ki-Akiko.

Les mains dans le halo
Au noir du piano
C’est Akiko diafemme,
Sur les galets diaphanes
Des palais de Kyoto
Akiko,
A-ki-Akiko.

À qui qu’elle cause?
Oh comme il ose !
Viens donc que l’on s’accorde
Qu’a dit l’ joueur de cordes
Akiko a rosi
Les ouis de la Mairie
Et les sourires en si
Ah quel référendame !
D’Italie à Wagram
Depuis on la réclame
Akiko,
A-ki, Akiko

L’a presqu’ pas b’soin de nom
Cinq lettres et elle s’habille
D’Italie à Bastille
L’air court dans son flacon
Akiko,
A-ki-Akiko.
Que d’A, que d’I, que d’O
Mais rien ne sonne faux

À Barcelone
Sûr qu’on dirait Pedro
À Saint-Étienne
Peut-ê’ ben qu’on dit Pierrot
Mais à Paris,
C’est Pierre qui le dit
Ai vu une colombe
Et ai suivi son ombre
M’a enlevé par ipon
C’est ma fleur du Japon
Don’t forget les trois notes
Qu’j’ai trouvé dans ma hôte
A-ki-ko
A-ki, Akiko.

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