jeudi 30 juillet 2009

Paella à Champ Contier














Raquel, vous savez, ma diététicienne de la Teknon de Barcelone, et bien elle m'autorise une échappée libre une fois par semaine. J'en ai profité ce jeudi pour composer (et goûter) une paella à l'intention de la tribu de Champ Contier. Apprenez, si vous ne le savez pas, que jeudi est le jour de la paella à Barcelone. Cette habitude provient de l'époque où les servantes des bonnes maisons avaient leur journée de repos le jeudi. C'était la seule fois dans la semaine où Madame cuisinait. J'imagine que devaient glisser sur les nappes brodées des "Mais oui, ma chère, elle est excellente...", "Oh, mère, comme vous savez faire..." Cette tradition a la vie dure, et je connais plus d'un restaurant qui inscrit toujours la paella à son menu du jeudi. Et c'est aussi pourquoi, l'on entend parfois sur les antennes le groupe de rock catalan nommé Dijous Paella (Jeudi Paella).
La paella n'est ni catalane, ni madrilène, ni galicienne, ni, ni, ni. Ce sont les Valenciens qui l'ont inventée. C'est pourquoi on dit généralement une "paella valenciana". La première de toutes à mon goût est la paella originelle, celle aux légumes, avec par exemple, artichauts, fèves, haricots verts, carottes et haricots blancs. Dans les livres de cuisine catalane, on ne parle pas de "paellas", mais de "riz" ("arrossos"). Le chapitre est très fourni: du riz aux châtaignes au riz à la morue, en passant par le riz noir et bien d'autres encore, dont le riz au lapin et lactaires qui peut dépasser l'entendement quand c'est un tonton qui a chopé la bête dans un coin de garrigue.
La qualité du riz est évidemment primordiale. Mon riz d'aujourd'hui pêchait de ce côté-là. Un riz rond sans esprit, pas assez rond pour bien boire son eau de couleur safranée. J'ai regretté de ne pas avoir emporté dans mon coffre le riz que je préfère, celui de Pals, village de rizières situé sur la Costa brava. Le riz de la variété "Bomba" produit dans le delta de l'Èbre, province de Tarragone, a ses partisans. Au passage, je vous recommande de visiter aussi bien le vieux village de Pals, très représentatif de la gastronomie "terre-mer" catalane (exemple le poulet à la langouste), que le delta de l'Èbre, cette réserve écologique parmi les plus importantes d'Europe dont le paysage en septembre est fascinant (les rizières ont alors du vert cru plein les poches).
Martine, amie et psychanalyste, me soupçonne à juste titre d'accorder de l'importance à la nourriture. Aussi, mon rapport à la paella devrait l'intéresser: à la maison, c'était le plat... du dimanche, avec augmentation de la présence du poisson quand l'économie familiale s'est améliorée. Le rituel de la cuisson (paramètre majeur inscrit dans la génétique des Catalans et des autres peuples d'Espagne) faisait que maman apportait une cuillère à papa qui décidait si la cuisson convenait ou pas. Nous attendions tous son signal autour de la table. On entendait le grain chanter sous l'incisive, et le suc s'emparer d'un infime schleueup de la langue. Évidemment, il répondait invariablement par un "oui". En vérité, c'était bien elle l'experte. Lorsque papa partit pour le pays de l'envers du décor, par une sorte de droit d'aînesse, me revint le privilège de prononcer le "oui", et, la première fois, il me sembla bien lourd.
Bien. Ce soir, salade et Badoit...
Elsa, puisque tu pars demain, bon voyage à Prague! Je ne connais d'elle que la lumineuse Pilsen et le sombre chou, du temps où l'interdiction des vols pour Cuba nous faisait transiter par ce bout de Mittleeuropa. Aujourd'hui, nous serions probablement des "terroristes". Mais ceci est une tout autre histoire!
La messe est dite, je reprends donc ma Traversée du dessert. Vous savez?, ma chanson: Vingt kilos, monsieur, il faut perdre/eh ben, merdre/je la regarde de travers/j'me vois pas en Mike Jagger.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire