vendredi 24 juillet 2009

Saintetés de Champ Contier

Taille de policeSix heures trente plus tôt, j'avais quitté une Barcelone suant à gouttes épaisses, et voilà que dans le frais du soir tombant sur les montagnes des Alpes de Haute Provence, une biche et son faon me regardaient... C'est l'accueil que m'a accordé hier Champ Contier, sur le dernier replat avant le hameau de quatre maisons, où s'arrête la route partie du Lauzet comme vers un nulle part, quatre kilomètres qui en paraissent dix. On se faufile entre des parois de schistes ardoisiers sur la droite et des précipices sur la gauche, chaque virage est un tournis, et, sous les roues, sur le ciment sale cassé par le gel, au franchissement d'un torrent, on se dit que le glouglou de l'eau est un chant à ses gambades, tandis que gardez-vous à gauche, gardez-vous à droite, il ne ferait pas bon s'oublier de conduire! Et dire que frappés par la soif de vitesse nous faisions la course aussi bien dans la descente que dans la montée...
Quand on retrouve longtemps après un paysage, les petites morts des instants qui furent vous attrapent par le col sans coup férir. Les picotements ne sont que de trois secondes, on repousse ces clignotants de l'âme. Aussi n'en reprend-on pas possession de la même manière. La maison a changé, il faut un temps de latence pour la mémoire d'un escalier, pour celle d'une voûte, on ne couchera pas là où on a couché, mais qu'importe puisque au même clou de la même porte centenaire toutes veines séchées est pendue une amitié.
M. et M. attendaient dans le soir, on hésite à écrire Michelle et Michel, mais après tout vous n'êtes que quelques tout proches à lire ce petit carnet. Elle est apparue à la porte de la pénombre, de face sur une pierre au bord du chemin, lui est venu de l'arrière sortant d'un fourré ou ayant sauté je ne sais quel muret. Barcelone semblait tout d'un coup à deux planètes, encore que les panneaux de la route qui longe l'Ubaye ne cessent d'indiquer une sorte de cousinage, Barcelonnette, la petite ville aux roses italianisants à certains de ses murs, mais il me faudra vérifier si la mémoire ne s'est pas inventée ces variations-là.
Au matin, entre brioche maison et pain à la tomate (ma catalanité se déplace avec mes os, je n'y peux rien, car, si vous ne le savez pas, le filet d'huile sur la joue rose frottée du pain c'est la divine pénétration, intangible, à chaque coup vérifiable...), au matin donc, dénudé de ma couette, sorti de mon alcôve, j'ai eu envie que la petite chapelle dédiée à Sainte-Anne me sonne les cloches, enfin!, la cloche unique au bout de son pendoir.
Quelques chats noirs et fins attendaient à la porte lorsque j'ai franchi le seuil pour prendre le chemin des Cabanes des Lauzes. Prendre de l'altitude gouverné par la marche, c'est tendre son corps vers l'azur en suspens, faire bouger de mètre en mètre le figé des pierriers, c'est-à-dire distinguer le riche camaïeu de la grisaille où nous venons de suivre à la lunette deux chamois, c'est se soulever aux cordes d'eau de la si haute cascade, parler aux papillons les plus insensés, voir une joubarde hissée avec son rouge tendre, sentir ses jambes brossées par une touffe de lavande et ses bras griffés par les genévriers. Leurs petites billes noires collaborent aux parfums des lapins dans les cassolettes, et à ce point de subtil salivé, on pourrait ouvrir les notes de cuisine de Maillol dans son mas de Banyuls, comme ceux de Delteil dans la Tuilerie de Massane, car le sculpteur comme l'écrivain et poète tenaient en sainteté thym, fenouil et romarin. Rentrés du chemin menant à la gorge du Manin, nous avons ramené des baies cueillies en connaissance de cause, car elles jouent depuis quelques minutes aux pois sauteurs entre râble et gigolette à la chaleur de l'oignon clair...

1 commentaire:

  1. C'est là:
    http://maps.google.fr/maps?f=q&source=s_q&hl=fr&geocode=&q=champ+contier&sll=46.75984,1.738281&sspn=9.378602,18.654785&ie=UTF8&ll=44.446373,6.419492&spn=0.019087,0.036435&z=15&lci=com.panoramio.all

    avec une cap à Contier

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