dimanche 26 juillet 2009

La restanque est triste


La restanque est triste, les érables viennent la manger avec leurs racines, de vrais mange-tout sous les troncs lisses. Le Petit Robert ne définit pas ce qu'est une restanque, mais on trouve en se laissant prendre la main par Google. Lisons: " Restanque est la francisation du provençal restanco (en occitan normalisé, restanca), terme employé en basse Provence et désignant au sens propre un mur de retenue en pierres sèches construit dans le lit d'un torrent intermittent pour provoquer un atterrissement en amont (tout en laissant passer l'eau) et créer ainsi une terrasse de culture." Par extension, tout mur de soutènement édifié pour créer un plan cultivé est considéré comme une restanque par le monde méditerranéen des Alpes de Provence.
Ma curiosité pour ce mot ne date pas de ce matin. Elle avait été réveillée il y a quelques semaines quand, avec Marta Martinez Valls, nous traduisions un passage de Pain et Raisin de Josep Pla, le grand prosateur catalan. Si l'une ou l'un d'entre vous a le goût de l'écriture de paysage, je recommande ce livre qui paraîtra au printemps prochain, dans la collection "Tinta blava" que j'ouvre chez Autrement au 77 du Faubourg Saint-Antoine, en remplacement de ma maison d'édition du même nom que je portais seul, dans mon sac à dos pour dire les choses, comme les colporteurs d'antan. Josep Pla écrit dans son texte: " Cette oliveraie est une pure merveille, l’une des plus ravissantes et des mieux tenues de la commune de Cadaqués. On dirait un parc de restanques enrobé de clarté."
Si les restanques de la Costa brava de Pla regardent la mer et n'ont pas trop bougé depuis cinquante ans, celles de Champ Contier ont subi le déclin de la France rurale. Devant les pierres serrées et les pierres éboulées victimes d'attaques de solitude, on peut toujours réveiller un livre d'images bistres: la caravane muletière de quelque Marius et de quelque Joseph du hameau; ou bien les femmes en sabots à la cueillette dans les champs irréguliers de patates, et désormais refermés sous les herbes folles et bleutées par les chardons; ou encore, deux étages plus haut, dans la perspective de la cascade, une étendue d'orge bordée par des pommiers.
Au surplomb de la torrentueuse Ubaye tombant à deux kilomètres dans le lac de Serre-Ponçon, Champ Contier est dans un abandon figé de ses activités anciennes. Ainsi de ses câbles maintenant rouillés sur lesquels filaient les poulies folles qui amenaient le foin des pics jusqu'au replat. Dans ce petit opéra campagnard où tout descend et monte à la fois, La montagne de Ferrat sonne évidemment juste, mais j'ai pensé surtout à cette phrase incomparable de Jules Renard dans son magnifique Journal qu'on trouve en Pléiade: "Le paysan, cet arbre qui se déplace".
C'était donc dimanche à Champ Contier. Jour de Sainte-Anne. Michel a ouvert la chapelle. J'avais vu passer lors d'un lointain 26 juillet un pèlerinage capable d'inspirer un de ces documentaires en noir et blanc sur fond de moutons le nez dans l'herbe qu'on trouve dans les archives de l'INA. Il n'est de meilleurs conservateurs que les agnostiques. Dans le coffre en bois également sous clé, Michel a fait surgir le vestiaire du prêtre qui ne vient plus, ainsi qu'une statue en bois polychrome de Saint-Martin. Elle daterait du début du XVIeme siècle.
Chers tous, depuis quelques jours je veille à la composition de mes assiettes. Une diététicienne de Barcelone se charge de mon corps. Elle court le semi-marathon (20 kilomètres) en 58 minutes, ce qui représente pour moi un gage de rigueur. Lorsque je courais moi-même, ah le Marvejols-Mende de 197.!, je repoussais le Brie, le tripou et l'Alsacienne.
Pour rester dans le sujet, j'avais commencé à écrire il y a quelques mois le texte d'une chanson qui s'appelait C'est dans les petits gros qu'on fait la bonne soupe. Je pense qu'elle s'appellera plutôt La traversée du dessert. J'y ai songé en sentant passer sous mon nez le fumet d'une tarte qui gravissait la pente depuis Le Lauzet. Je l'ai dit, ici tout monte et tout descend! Michèle en rajoute qui fait en ce moment son pain dans la pièce où j'écris. C'est surtout à toi, Pierre, que je m'adresse, toi qui la mettra en musique. Au fait, sache que j'ai plié la bossa aujourd'hui. Elle s'appelle Très toi. Au départ, je comptais l'appeler Laissez passer les poissons. Comprenons qu'elle était d'un autre genre. Il s'en passe des choses entre le déclenchement et l'aboutissement d'une inspiration.

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