mercredi 12 août 2009

Avec la radio on ne peut pas revenir en arrière



Bonjour à toutes et à tous,
On n'entre pas comme ça à la Maison de Radio France! Même en plein mois d'août, les vigiles montent la garde. Soit vous pénétrez dans "le camembert" blanc du bord de Seine et, badgé, vous suivez votre guide sans le lâcher jusqu'au studio où vous est proposée une conversation le plus souvent confiante; soit vous rendez visite à un ami de l'intérieur qui vient vous prendre par la main, plus besoin de badge, à la porte A ou B, ou C du grand fromage qu'en ce moment des légions d'ouvriers désamiantent.
En mai, je m'étais trouvé dans le premier cas de figure, terminant au studio 117 ma progression dans l'incompréhensible dédale pour une émission de Mariannick Bellot sur l'exil dans le cadre de Surpris par la nuit sur France Culture. Hier après-midi, je me trouvais dans l'autre situation: Michel est venu me chercher porte B, nous avons sillonné le toujours incompréhensible dédale jusqu'au studio...117 ! Comme quoi, je le pense très fort, c'est le hasard qui nous conduit quand nous le provoquons, souvent sans le savoir. Les chaises que nous occupions en mai étaient posées sur la table le cul en l'air. Le repos qui envahit Paris en août s'infiltre jusqu'au coeur même du dédale.
Michel était en train d'achever de mixer une émission sur le thème du safari, qu'on entendra bientôt sur France Culture. Cela veut dire qu'il transforme en matière sonore captivante les sons sélectionnés à partir d'un scénario par une réalisatrice ou par un réalisateur. Dans le studio, des gorilles poussaient des petits cris... Ainsi, l'art de Michel, enchanter le fond par la forme, revient à détourner délicatement l'auditeur de son activité du moment, à lui faire couper le filet d'eau en train de couler sur la salade, ou bien à lui faire taire le chien. On ne soupçonne pas de combien de nuances est empreint ce métier de transformateur: la création appareillée à la technique, il faut voir sur quels ordinateurs Michel exerce sa virtuosité! Au demeurant, je ne sais plus quel pionnier de la t.s.f. expliquait un jour qu'avec la radio on ne peut jamais revenir en arrière, au contraire du livre et du journal [aujourd'hui cependant existe la technique du podcast]. Cette réflexion est tout sauf banale, mais ce n'est pas l'endroit pour dire ce qu'elle inspire.
Michel m'a montré le placard qu'il fermera définitivement à la fin de l'année. Quarante années de chasseur de sons et de compositeur sonore. Il contient des bandes d'avant l'apparition du numérique, enregistrements réalisés au micro du fameux Nagra, la Rolls indestructible des magnétophones, dont le poids fabriquait, à force, des dévissages du dos. Sur les tranches des boîtes orangées, tout un inventaire à la Prévert, apparemment sans le raton laveur: poulailler, oiseaux, mouches, trains de nuit, vent, eau, péniches, rires, femme, Strasbourg, train vapeur, galets, gare de Lyon, balles vibrantes, taxi, Arctique, verrous, Vincennes, Finlande, etc. Alors, nous avons écouté des grincements d'essieux, le souffle d'une locomotive dans la forêt de Lahti, et je me suis souvenu débarquant dans cette gare, en février, à dix heures du soir, le froid suspendu à tout, même à la nuit noire finlandaise.
Michel, je peux dire son nom puisqu'on l'entend à l'antenne de France Inter et de France Culture, c'est Michel Creis qui avait mis en sons l'exposition sur une rue de La Havane que j'avais initiée pour la Fête de l'Humanité et une série de mairies avec Jean-Robert Franco, André Lejarre, photographes, et avec Alex Jordan, le Berlinois graphiste de Grapus (le groupe qui avait inventé notamment la signalétique de La Villette). Comme quoi, le passé n'est jamais passé: avec de tels amis, les queues de la comète s'étirent, s'étirent, et réenchantent le présent déjà vieux au moment de naître.
Avant de vous quitter, je dois vous dire que nous sommes montés au dernier étage de la Maison de Radio France. De là, on embrasse Paris par toutes les lèvres. Au bout de mon Linux, j'ai saisi la Tour Eiffel, me souvenant soudain de mon premier voyage à Paris, et de la reproduction de la Tour en mauvais métal que nous avions alors ramenée. On vend encore les mêmes à l'entrée des Tuileries...
L'oisiveté, c'est la sieste + l'or des pensées.
À bientôt.
PS1: tâchez d'écouter Brigitte Fontaine chanter Comme à la radio...
PS2: ci-après une toute petite carte d'avant-hier...


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